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Histoire de Salaberry-de-Valleyfield

Un grand courant d'histoire

La ville de Salaberry-de-Valleyfield, c’est avant tout un grand courant d’histoire. Grâce à ses vastes plans d’eau, ses industries de haut calibre, ses régates et sa cathédrale d’une beauté unique, cette municipalité s’est forgée une réputation fort enviable internationalement.

Sources :
Salaberry-de-Valleyfield… Un grand courant d’histoire
Journal annuel de la Société Historique de la Vallée de Châteauguay

Ce n’est qu’à partir de 1673 que s’effectue la première tentative d’établissement dans la région où s’élève la ville de Salaberry-de-Valleyfield. À cette époque, le Roi de France concède la Seigneurie de Châteauguay au Sieur Charles Lemoyne de Longueuil. Située en bordure du Lac Saint-Louis, à vingt milles de Ville-Marie, la Seigneurie s’étend sur deux lieues le long du fleuve et trois lieues de profondeur dans les terres.

Vers 1729, une nouvelle seigneurie est concédée par Louis XV : la Seigneurie de Beauharnois. Cette nouvelle concession qui s’étend sur six lieues de profondeur et de largeur devient la voisine immédiate de la Seigneurie de Châteauguay.

Même à cette époque, la région de Salaberry-de-Valleyfield est très peu explorée. Seulement quelques coureurs des bois et défricheurs franchissent ces terres. Ce ne sera qu’à la fin du 18e siècle que les colons viendront véritablement prendre possession du sol campivallensien.

Le défrichement ne dépassait pas la Pointe des Cèdres sur la rive nord et Châteauguay sur la rive sud. Quant à la partie de territoire occupée présentement par la municipalité, elle était considérée par les défricheurs comme non-colonisable et hasardeuse. Selon les écrits de Mgr Lionel Groulx, les défricheurs considéraient la région de Valleyfield comme une «région mystérieuse, la terre des loups-garous, des feux-follets fantastiques et des enlisements légendaires».

Ce n’est qu’en 1795 que la Seigneurie de Beauharnois prend véritablement son envol. Monsieur Alexander Ellice, un riche négociant anglais, devient alors son nouveau propriétaire.

Monsieur Ellice organise peu à peu son nouveau domaine. Vers 1800, la Seigneurie fut appelée Annfield du nom de Madame Ellice. Il la divisa en douze sections auxquelles il donna les noms de sa femme et de ses enfants.

Catherinestown qui comprend Sainte-Cécile, Valleyfield, Saint-Stanislas-de-Kostka et une partie de Saint-Louis-de-Gonzague et de Sainte-Barbe.

Helenstown qui comprend Saint-Timothée et une partie de Saint-Louis-de-Gonzague.

Marystown qui comprend une partie de Saint-Clément, Beauharnois, le Buisson et Melocheville.

Annstown qui comprend la ville de Beauharnois et une partie de Sainte- Martine.

North Georgestown qui comprend le haut de Saint-Louis.

South Georgestown qui comprend Howick.

Ormstown qui a conservé son nom.

Jamestown qui comprend une partie de Ormstown et de Saint-Antoine-Abbé.

Williamstown qui comprend une partie de Sainte-Martine, de Saint-Urbain et Sainte-Clotilde.

Edwardstown qui comprend une partie de Sainte-Clotilde et de Saint-Chrysostôme.

Russelstown qui comprend l’autre partie de ces deux mêmes villages.

Annstown, maintenant la ville de Beauharnois, était le chef-lieu de la Seigneurie.

Peu à peu, les colons français viennent s’établir dans la région. En 1817, on compte vingt-cinq familles, soit quatre-vingts âmes dans la région de Salaberry mieux connue à cette époque sous le nom de «Pointe-du-Lac».

Afin d’éviter les rapides des Cèdres et de Saint-Timothée et d’ouvrir la navigation jusqu’aux Grands Lacs, les gouvernements en place décident de faire creuser un canal entre les lacs Saint-Louis et Saint-François.

Il faut donc attendre la construction du canal de Beauharnois pour voir un courant d’immigration plus imposant se diriger vers la région et donner naissance à la ville de Salaberry-de-Valleyfield. Une population de deux mille âmes s’établit soudainement aux abords du canal. «On vit donc se construire en toute hâte un village improvisé, écrit le Chanoine Saint-Aubin, avec des baraques, des hangars de toutes formes et de toutes dimensions». En peu de temps, les hôtels, les épiceries, les maisons de pension avaient surgi de tous côtés.

Entrepris en 1842, le canal de Beauharnois fut ouvert à la navigation en 1845. Il avait neuf pieds de profondeur et onze milles et un quart de longueur. Il comptait aussi neuf écluses. Construit à mains d’hommes, il a coûté un million six cent onze mille quatre cent vingt-quatre dollars et onze cents (1 611 424,11$). C’était un travail de géant pour l’époque.

Durant la construction du canal, il s’est passé bien des scènes violentes entre les journaliers et les entrepreneurs. Les entrepreneurs se montrèrent tyranniques et injustes envers les habitants des paroisses où passait le canal.

Peu de temps après l’achèvement des travaux, on fit rapport que l’entrée supérieure du canal était défectueuse (à Valleyfield); le chenal qui y conduisait était tortueux et n’avait que huit pieds de profondeur pendant l’été; le courant de cette partie du fleuve était de quatre milles à l’heure et n’était pas en ligne directe avec le chenal, mais le traversait en certains endroits, ce qui exposait les navires à être entraînés sur des bas-fonds.

Pour remédier à ces inconvénients, deux barrages furent construits: l’un de 627 pieds s’étendant de la terre ferme à la Grande Isle, et l’autre de 792 pieds s’étendant de la Grande Isle à l’Île aux Chats ou de Clark. Ces barrages furent construits en 1849 et en 1850.

En 1852, 1853 et 1854, des déversoirs furent construits à chacune des écluses du canal.

Une digue d’environ cinq milles de longueur, destinée à empêcher l’inondation des terres à la tête du canal situées sur la rive Sud du lac Saint-François, fut terminée en 1856.

Les habitants des bords de ce lac se plaignirent que les barrages construits à la tête du canal avaient fait submerger leurs terres et ils ont à différentes reprises, demandé et obtenu des indemnités.

La navigation allait contribuer à alimenter le commerce local et plusieurs ouvriers résolurent donc de demeurer dans la région.

En 1899, le canal de Beauharnois se voit délogé par le canal Soulanges sur la rive nord du fleuve. Toutefois, ce nouveau canal de quinze pieds de profondeur devient rapidement désuet car il n’est pas assez profond. Il fut remplacé dès 1930 par le nouveau canal de Beauharnois. Situé en partie dans les limites de la ville, ce nouveau canal de vingt-huit pieds de profondeur fait partie de la voie maritime du Saint-Laurent et voit sillonner sur ses eaux des milliers de bateaux océaniques.

En 1855, Pointe-du-Lac se fait incorporer civilement et canoniquement sous le nom de la paroisse Sainte-Cécile. La première église s’élève sur le site actuel de notre cathédrale. Amable Thibeault devient le premier curé résident et Charles Dépocas le premier maire.

Au cours des années, de plus en plus d’industries et d’investisseurs s’intéressent aux richesses de la ville. D’ailleurs, en 1854 une manufacture de papier et une scierie mécanique viennent s’installer à la tête du vieux canal de Beauharnois. Quelques années plus tard, la société Alexander Buntin achète la fabrique de papier déjà existante et la fait progresser. Ce fut la première véritable industrie à faire connaître Salaberry-de-Valleyfield à travers le Canada, car elle comptait parmi ses clients la plupart des grands propriétaires de journaux du Canada. Cette fabrique exista jusqu’au tournant du siècle, alors que la succession Buntin vendit tout son matériel et ses pouvoirs hydrauliques à la Montréal Cotton Company. cette dernière détruit l'usine achetée et reconstruit, sur les mêmes lieux, sa propre usine, en 1900.

En 1874, la paroisse de Sainte-Cécile s’agrandit; elle compte plus de 3 000 âmes. Elle est donc incorporée ville sous la désignation officielle de Salaberry-de-Valleyfield. Le choix de cette double appellation crée toutefois quelques divergences d’opinion entre les deux communautés fondatrices. On raconte que le nom de Salaberry aurait été proposé par le maire Dépocas en l’honneur du Colonel Charles-Michel De Salaberry qui sauva le pays en 1813 lors de la Bataille de la Châteauguay. Toutefois, Monsieur Buntin ne l’entendait pas ainsi; celui-ci préférait le nom de Valleyfield car il lui rappelait un moulin à papier important d’Écosse: la Valleyfield Mills située à Penicuik, Midlothian.

Plusieurs discussions très enflammées retentirent dans la petite salle municipale et même dans les rues. Mais ces discussions devaient aboutir à un compromis, où il fut proposé que l’on accouple les deux noms. Voilà comment la ville naissante inscrivit dans sa charte l’appellation de Salaberry-de-Valleyfield.

La petite ville se structure et s’organise; Moïse Plante devient le premier maire; on construit un hôtel de ville à l’emplacement actuel. C’était un édifice en briques rouges, haut de trois étages et construit au coût de seize mille (16 000 $) dollars. Dû à un incendie en 1961, on reconstruisit l’édifice en y ajoutant un étage. La première horloge fut installée sur l’édifice en 1898. Elle fut remplacée en 1962.

À cette même époque, le journal «Le Progrès de Valleyfield» publie ses premiers numéros; un traversier est inauguré entre Salaberry-de-Valleyfield et Coteau-du-Lac. On projette même de bâtir un pont entre ces deux villes. Des voies ferrées relient enfin Salaberry-de-Valleyfield aux grands centres commerciaux.

Le nouveau curé de la paroisse Sainte-Cécile, Monsieur Pelletier, entreprend la construction d’une nouvelle église, plus grande et plus riche, que l’on reconnaîtra quelques années plus tard comme l’un des plus magnifiques «vaisseaux religieux du Canada». En 1892, le pape Léon XIII élève Salaberry-de-Valleyfield à la dignité de siège épiscopal; le nouveau territoire comprend les comtés de Vaudreuil, Soulanges, Châteauguay, Beauharnois et Huntingdon. La même année, Monseigneur Joseph Émard est sacré évêque.

En 1934, la cathédrale fut entièrement reconstruite suite à un incendie. Elle est reconnue pour son style néo-gothique, ses boiseries, ses verrières et son orgue Casavant. Il est aussi intéressant de noter que le cardinal Paul-Émile Léger a été vicaire et curé du diocèse en 1940.

Mais ce qui retient le plus l’attention des journaux et de la population, c’est l’arrivée de la Montreal Cotton, la factorie de coton comme on l’appelait à l’époque.

Dès 1878, le Canadian Illustrated News n’hésite pas à prédire un avenir des plus brillants aux promoteurs de la Montreal Cotton. Ils ont à leur disposition, écrit le journal anglais, le plus magnifique et le plus économique pouvoir moteur, la classe ouvrière la plus désirable, celle des canadiens-français, et un approvisionnement au meilleur marché de la matière ouvrière.

On sait que l’avenir devait justifier ces pronostics et faire de Salaberry-de-Valleyfield I’un des plus grands centres canadiens de filature de coton. La compagnie a été certainement un précieux atout pour la population qui, en grande partie, a vécu d’elle pendant plusieurs années. En plus de détenir des droits sur le pouvoir de l’eau, la compagnie était aussi propriétaire du quartier Bellerive et voyait à assurer les différents services publics.

De 1892 à 1901, Salaberry-de-Valleyfield connaîtra la période la plus brillante de son développement économique. Sa population qui atteignait à peine 6 000 habitants en 1892, se voit doublée au cours de la décade.

C’est en 1901 que la municipalité devient le chef-lieu du comté de Beauharnois. En 1903, on construisit le palais de justice de style victorien. Rénové en 1975, l’édifice a conservé sa façade originale. On raconte qu’il y aurait eu deux pendaisons à cet endroit vers les années 1928-1929.

À cause de la construction du nouveau canal de Beauharnois et de la seconde guerre mondiale, Salaberry-de-Valleyfield voit sa production industrielle se diversifier. Le centre de filature fait place à l’industrie chimique et lourde. Grâce à ce nouveau type d’entreprise, Salaberry-de-Valleyfield devient l’un des plus grands centres industriels du Canada.

Le port : une fenêtre sur le monde

Avec le développement de la voie maritime du Saint-Laurent en 1961, des installations portuaires en eaux profondes viennent se greffer à la structure industrielle existante. C’est le maire Robert Cauchon qui fut l’instigateur de ce vaste projet. Des dizaines de transatlantiques assurent maintenant de façon régulière le transport entre Salaberry-de-Valleyfield et, les centres commerciaux de l’Amérique du Sud, de l’Europe, et même de l’Afrique. Une variété de services, allant de l’entreposage du cargo général au vrac liquide et solide fait l’originalité du seul port municipal canadien.

Déjà plus de cent ans d’histoire

En 1974, la municipalité fêtait son centenaire de fondation. Au cours de cette année de festivités, la ville s’est dotée d’un drapeau; elle a érigé un monument le long de l’Avenue du Centenaire à ses deux illustres campivallensiens, le Cardinal Paul-Émile Léger et Jules Léger, Gouverneur général du Canada de 1974 à 1979. Finalement, plusieurs milliers de visiteurs ont envahi la ville dans le cadre des finales provinciales des Jeux du Québec.

La capitale du nautisme

Depuis plus d’un demi-siècle, les eaux de la baie Saint-François sont le théâtre des prouesses des conducteurs d’hydroplanes. Présentées au début du mois de juillet, les Régates internationales de Valleyfield représentent l’événement nautique canadien le plus prestigieux en Amérique du Nord. Lors de ce week-end, plus de 150 000 amateurs d’émotions fortes se rassemblent autour de la baie Saint-François.

Origine du nom campivallensien

Le 5 avril 1892, le pape Léon XIII éleva par bref apostolique la ville de Salaberry-de-Valleyfield à la dignité épiscopale sous la désignation ecclésiastique de Campivallensis. Ce terme est la transposition en latin des éléments constitutifs du toponyme Valleyfield, à savoir valley «vallée» (latin val, diminutif vallensis «petite vallée») et field «terrain, champs» (latin campus, au pluriel campi) (Dugas, 1980, p.31).

Est-ce l’usage ou une personne qui ajouta le suffixe «ien» à Campivallensis? L’initiative reviendrait-elle à Mgr Joseph-Médard Émard, premier évêque du diocèse de Valleyfield (1892-1922) ou à l’abbé Lionel A. Groulx? Nous n’en savons rien. Des recherches aux archives du diocèse et dans les journaux locaux s’imposeraient. Cependant l’usage le plus ancien du gentilé Campivallensien que nous avons relevé apparaît dans la Petite histoire de Salaberry-de-Valleyfield de l’Abbé Lionel A. Groulx (1913), lorsqu’il écrit que «les Campivallensiens reconnaîtront en l’histoire de Salaberry-de-Valleyfield la caractéristique de toutes les villes du Québec français» (préface).

Le 22 septembre 1980, suite à une lettre de Monsieur Jean-Yves Dugas de la Commission de toponymie, le Conseil de Salaberry-de-Valleyfield reconnaissait à la proposition (R80-881) des conseillers Jean- Louis Bertrand et Adrien Lefebvre, le gentilé «campivallensien».

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